MrGroar, parti depuis presque trois mois déjà du Duché du Berry afin d’aller en Grèce visiter la terre natale du prophète Aristote, reçu plusieurs curieux courriers de la part de berrichons, dont il ne connaissait même pas le nom pour certains. Le vieux pèlerin savait qu’il était très connu au sein des Royaumes grâce à tout ce qu’il avait fait pour aider ses frères et sœurs, aussi cela ne l’étonnait-il jamais de recevoir des courriers de la part d’inconnus, quand bien même il se trouvait très loin de chez lui puisqu’il n’avait jamais caché la destination de ses nombreux voyages, il en faisait même la propagande afin de promouvoir cette mixité socialo-culturelle à laquelle il tenait tant.
Pourtant la plupart des courriers qu’il recevait n’était que rarement de cette teneur. D’habitude on lui faisait part d’explorations visant à améliorer l’exactitude de ses cartes, ou encore on lui demandait de venir officier à une cérémonie, mais aussi on lui posait souvent des questions d’ordre théologique; heureusement il y avait aussi les invitations mondaines, les lettres amicales de gens qui lui demandaient de ses nouvelles oui lui faisaient part d’heureux évènements. Mais là, c’était d’un domaine totalement différent.
On lui apprenait qu’un dénommé sieur Tixlu, Commandant des Nuées Ardentes de l’Alliance du Centre, pair de France, soit-disant Gouverneur de la Capitale de Bourges occupée, l’accusait de mettre la santé des berrichons en péril.
MrGroar n’en revenait pas.
Il avait apprit il y a quelques jours que des armées françaises avait jeté leur dévolu sur le Berry et avait saccagé tout le territoire de ce duché habituellement pacifiste et où la vie suivait un cours tranquille. Il n’avait pas compris tous les tenants et aboutissants du conflit puisqu’il ne recevait que des courriers contradictoires ou assez flous sur les détails de l’affaire, mais il avait une opinion assez précise de la conduite à tenir en tant qu’aristotélicien confirmé et universaliste reconnu: l’ordre établi devait être respecté et la paix entre les humains ne devait point être perturbée. Or tout tendait à prouver que cela n’avait pas été le cas, tout du moins en ce qui concernait l’attitude de certaines armées.
Cependant, ne connaissant pas tous les détails, il s’était abstenu de tout courrier de sa part visant à faire connaitre sa vision des évènements qui avaient secoué le Berry, duché au sein duquel il résidait depuis presque deux ans et dont il avait été l’archevêque. Mais devant l’affront commis par sieur Tixlu, il ne put s’empêcher de rédiger une lettre qu’il envoya à de nombreux berrichons, dans l’espoir de permettre à ceux qui décidaient de l’avenir du Berry, c’est-à-dire les berrichons, de prendre connaissance du témoignages des différents partis en lice. Et dans ce cas là où son image était ternie, il voulait que sa voix fut entendue par les berrichons. Car en ce qui le concernait, il était au courant des moindres détails.
Voici donc le courrier qu’il envoya:
A l’attention de tous les résidents du duché du Berry, à savoir des villes de Bourges, Saint Aignan, Sancerre et Châteauroux,
Moi MrGroar Von Valendras, Cardinal émérite, Archevêque In Partibus de Babylone, ex-Archidiacre de Rome, ex-Cardinal Électeur National du Consistoire Pontifical francophone, ex-Archevêque de Bourges, ex-Évêque de Genève, ex-Curé d’Annecy, Chevalier et Chapelain, ex-Grand Maitre, ex-Grand Chapelain et ex-Verwalter de l’Ordre Teutonique, Comte de Gouda, responsable officiel des Archives des sacrements de la Sainte Église Aristotélicienne, Chef de file des pèlerinages de Bourges, de France, de Hollande et de Grèce, cartographe amateur,
Je vous adresse tout mon soutien face à l’attaque que vous venez de subir et dont vous payez malheureusement les conséquences bien que vous n’y soyez pour rien du tout.
Lorsque j’ai obtenu ma mutation à l’archidiocèse de Bourges en octobre 1455, moi qui avait jusqu’alors vécu les dix dernières années de ma vie en Saint Empire, je redoutais de devoir m’imposer parmi vous au sein du Royaume de France, qui plus est à la frontière du Domaine Royal et en plein centre du Royaume de France, contrée au combien éloignée de tout de ce que j’avais vécu, même si mon duché natal est la Normandie. Quitter la Savoie et la Confédération Helvétique où j’ai trouvé la foi en Dieu, Aristote et Christos m’a coûté beaucoup d’un point de vue relationnel. Là bas j’avais tous mes amis qui m’ont fait comprendre à quel point il est nécessaire de tisser de tisser des liens forts et sincères avec ses proches afin de vivre dans la félicité et l’amitié honnête. Des ennemis aussi, qui eux m’ont fait comprendre qu’il est nécessaire d’écouter autrui afin de ne pas altérer ses facultés de jugement et de chercher par le dialogue et la raison à dénouer les problèmes qui surgissent chaque jour dans la vie quotidienne et qui au final trouvent trop souvent leur cause dans des futilités que l’amour du prochain aurait résolu sans quiproquos. Mais en arrivant à Bourges lors de ma prise de fonction, j’ai trouvé des femmes et des hommes qui étaient les semblables de ceux que j’ai connu en Saint Empire: des femmes et des hommes doués de sentiments, empreints d’amour, parfois à l’affût de l’opportunité qui aurait pu améliorer leur vie mais toujours conscients des conséquences de leurs faits et pensées. Mon intégration fut pleine et entière, quand bien même succéder à feu monseigneur Kuzcau fut difficile tant son dévouement pour le peuple berrichon fut sans faille.
J’ai appréhendé le Berry, j’ai appris à le connaitre, je l’ai adopté et il a appris à m’apprécier j’espère, et même si en tant que grand voyageur je n’y réside pas souvent le Berry a sa place en mon cœur.
Imaginez ma stupeur lorsque j’ai appris que ce duché avait subit une attaque de la part même de résidents du Royaume de France, de voisins, d’amis! Cela ne peut être compréhensible! Et le pire fut lorsque j’appris que sieur Tixlu, auto proclamé « gouverneur » de Bourges, m’accuse d’affamer la population berrichonne.
Ainsi le mandat que j’ai obtenu de la part de la mairie de Bourges serait la cause de tous les troubles que vous, berrichons, vous connaissez en ces moments. Ainsi, toutes les denrées que j’ai obtenues en mendiant lors de mes pèlerinages pour nourrir ceux qui me suivaient et que de riches fidèles m’ont donné sans aucune arrière pensée, tout ce que les frères et sœurs teutoniques ont bien voulu confier à ma bonne intendance de la dîme interne à l’Ordre Teutonique afin de ravitailler les combattants de Dieu contre le sans-nom, l’intégralité des produits que j’ai achetés aux provinces qui étaient en surproduction et que je compte revendre sans bénéfice aux régions en manque, le peu de mets de luxe que je possède afin de satisafaire les maigres rencontres mondaines que j’organise, tout cela serait donc voué à nuire au peuple berrichon?
Honte à tous ceux qui pensent que j’agis contre un quelconque groupe humain, plus encore honte à ceux qui pensent que j’agis pour mon bénéfice personnel! Les pèlerins qui ont eu le courage de me suivre lors de mes périples pourront attester de ma propension à aider ceux qui sont dans le besoin, et sachez que si j’étais actuellement en Berry je ferais tout ce qui est en mes capacités afin d’aider mes frères et soeurs humains! Manger est le premier souci qui nous accapare lors de notre réveil! Jamais, jamais, jamais je ne laisserai quiconque mourir de faim à mes côtés, fusse-t-il mon plus grand ennemi! Mais malheureusement je suis actuellement loin de vous, et pour vous dire la vérité, vérité que je ne saurais cacher sans honte ni remords, je suis en ce jour à deux pas de la frontière qui sépare la Bulgarie de la Turquie, entre Samokov et Harmanli. Comment acheminer de quoi nourrir tout le peuple berrichon efficacement de là où je me trouve? Si vous avez une solution je vous écoute et j’obtempère! Sachant que tout ce que je possède n’est la propriété ni de moi ni du Berry, contrairement à ce qu’affirme sieur Tixlu…
Mes amies et amis, puissiez-vous comprendre que si mon corps était présent parmi votre assemblée, l’esprit qui l’anime ferait tout ce qui est son pouvoir pour vous aider!
Un autre détail me vient à l’esprit en écrivant cette lettre: comment sieur Tixlu connait-il précisément le contenu du chargement des charrettes de mon convoi? A-t-il envoyé des espions à mes trousses? Essaye-t-il d’instrumentaliser mon pèlerinage à son bénéfice?
Sans preuve de quelque manigance qui puisse exister de la part de quelconque partie des belligérants qui sèment le trouble aujourd’hui parmi vous, je m’abstiendrai de toute conclusion définitive et surement trop subjective, mais malgré tout je ne puis m’empêcher de vous conseiller de prendre en considération tous les aspects concernant cette situation qui ne peut que nuire à la volonté du Très Haut: paix et amour entre femmes et hommes!
Femmes et hommes du Berry, cousins de Christos, disciples d’Aristotes, créatures de Dieu, frères et sœurs, amies et amis, puissiez-vous trouver la sérénité malgré toute l’arrogance et l’opportunisme dont font preuve certains de nos décideurs!
Fait quelque part en Bulgarie le 13 novembre 1457,
Par MrGroar Von Valendras.
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